Transaction dans le bac à sable

Sam avait suivi l'observatrice en traînant des pieds. Ca commençait à la gonfler de se faire trimballer comme une meule de foin de mission en mission. D'abord on la prenait pour une débutante en l'envoyant dans le cimetière le plus facile et ensuite on lui demandait de venir faire un job de larbin.
La seule chose qui lui faisait plaisir c'était que Otos l'ait choisie elle et pas Alice. Les manuscrits avaient l'air précieux de ce qu'elle avait compris : et c'était elle qu'on appellait pour les protéger, pas la cheftaine!

Sam aimait bien Otos. Ca lui avait paru bizarre au départ parce que ce n'était pas la plus sympa des observateurs du groupe mais Sam avait finalement compris que ce qui lui plaisait chez elle, c'était qu'elle ne s'en laissait jamais compter. C'était une vraie chef, pas comme Alice qui passait son temps à bégayer.

La Tueuse traversa la route quand elle lui fit signe et vint se poster sur la balançoire. Elle commença à s'installer et à se balancer comme si de rien n'était, bien tranquillement.
Mais tous ses sens étaient en éveil. Elle ne voulait pas la rater, cette mission là.

Wilson était plutôt du genre à flâner qu'à être ponctuel mais il savait se presser quand le boulot l'exigeait. Et aujourd'hui, à peu près tout exigeait qu'il se presse, à commencer par sa cliente qui lui avait pratiquement ordonné de la retrouver dans un square pour qu'il puisse lui remettre les livres qu'avait commandés ce si étrange Giles quelques jours plus tôt.
Pour être tout à fait honnête, c'était plus l'idée d'être payé que celle de faire plaisir à sa cliente qui animait le bouquiniste tandis qu'il remontait prestement la rue. Mais c'était bien naturel, non ?

Il arriva assez rapidement au square et évalua tout de suite la situation. Le dragon qu'il avait eu au téléphone était assise sur un banc. Sa protectrice était installée sur une balançoire à deux mètres d'elle. On ne pouvait pas dire qu'elle était vraiment discrète. Quelle fille de plus de douze ans irait faire de la balançoire en plein après-midi sans une bonne raison, hein ?
Le square était désert, à l'exception de la cliente et de son escorte, et d'un jeune père qui jouait avec deux marmots dans le bac à sable. Ils n'étaient pas à portée de voix.

Wilson s'avança vers la balançoire et fit un clin d'oeil à la jeune fille :

- Bonjour mademoiselle... Nouvelle en ville, non ?

Il fit ensuite trois pas pour arriver au niveau du banc et s'y assit avec décontraction.

- Je vous préviens, je veux voir la couleur de l'argent avant de vous donner quoi que ce soit. Marcher dans votre combine ne fait pas de moi un complet imbécile assura-t-il à la femme d'âge mûr à côté de lui.

Emmeline dévisagea le nouveau venu comme si elle scannait non seulement sa mise et son comportement, mais aussi la moindre de ses paroles. Elle archivait en esprit le plus petit détail relatif à ses agissements. Et l'individu auquel elle avait affaire ne lui plaisait pas du tout.
Mais c'était une possibilité qu'elle avait envisagée.

- Je suis ravie de ne pas avoir à traiter avec un demeuré, monsieur Wilson, croyez-le bien " lâcha l'Observatrice à voix mesurée. " J'en vois bien assez comme cela dans l'exercice de mes fonctions. "

Ses pensée s'arrêtèrent un instant sur un certain britannique avant de revenir à la situation présente. Elle se leva.

- Je vous en prie, suivez-moi.

Elle désigna du menton un bloc sanitaire à cinq mètres de là, laissé à l'abandon par la municipalité comme par les junkies. Les pétitions répétées des associations familiales avaient finies par les en faire chasser.

- Mettons-nous à couvert et je vous paierai.

Emmeline se dirigea vers le bloc sanitaire en question et fit un léger signe à Samantha. Le libraire l'avait repérée et, de toute façon, elle était indispensable au bon déroulement de cette entreprise.
Et puis elle savait quoi faire.

Sam savait quoi faire, ouais.
Quand le libraire Wilson lui avait parlé, elle lui avait à peine adressé un regard. Elle détestait les mecs qui s'adressaient aux filles en don Juan. Son clin d'oeil, merci, il pouvait se le bouffer!

La balançoire fit un petit grincement quand elle se leva. Ce square était vraiment mal entretenu.
La tueuse escorta le bouquiniste et son observatrice jusqu'au bloc sanitaire. L'odeur était infâme. Ca sentait l'urine animale et humaine et l'eau croupie en décomposition.

- Ok dit'elle quand ses deux acolytes l'eurent rejointe à l'abri des regards. Et elle attrapa Wilson par les épaules et le cogna le plus fort possible contre le mur de béton.

- Qu'est-ce que tu sais ?

Elle avait grogné, mais pas trop fort pour ne pas risquer d'alarmer les gens qui jouaient dans le bac à sable.

- Sur nous et sur les Palettes, qu'est-ce que tu sais ? répéta t'elle d'une voix rustre. Et je te préviens, c'est même pas la peine d'essayer de mentir.

HJ : Il est tard pour poster et ça va pas être terrible, mais au moins je fais avancer le topic


Wilson avait suivi les deux femmes sans encombre jusqu'au bloc sanitaire. C'était l'idée d'être payé qui lui ôtait tout jugement. Ou alors, il était subjugué par l'assurance de la petite brune. Il avait toujours aimé les filles de caractère. Ou alors il était juste idiot. Au choix.

Il eut l'impression d'entendre ses os craquer quand la fille le poussa contre le mur en béton.

- Que... ? meugla-t-il sans se soucier de parler fort ou pas. J'espère que vous m'avez pas démis une putain de vertèbre avec vos conneries !

Il regarda d'abord la femme de tête, qui avait visiblement donné l'ordre de ce petit scénario d'intimidation, puis la jeune fille brune. Il lui sourit, volontairement provocateur :

- "Qu'est-ce que tu sais" ? Je savais pas qu'on se tutoyait. C'est un peu tôt mais je peux m'y faire.

Quand elle s'énerva sur les Palettes et le reste, il se marra franchement. Ce que ces gens pouvaient être paranos, bon sang.

- Je ne sais rien de plus que ce que vous m'avez laissé savoir, les amies dit-il en fixant la jeune fille droit dans les yeux. Ce type, Giles, a commandé des bouquins dont le seul rapport est de traiter des Palettes. Je suis un libraire occulte, je m'y connais, faut vous y faire. Quant à toi, forte comme un titan et accompagnée d'une forte en thème coincée, tu es probablement une Tueuse flanquée de son Observatrice. Tout le monde sait que vous êtes tout un groupe en ville.

Wilson leva un sourcil, narquois.

- Si vous vouliez être discrètes, vous pouviez faire mieux. Et maintenant lâche-moi, tu me flingues la colonne vertébrale.